L’amour par delà les mondes
La Zaïde de Mozart est restée inachevée. Chaya Czernowin la complète ici dans une version très personnelle, qui jette un tout nouveau regard sur la musique classique.
On ne connaît Zaïde que par fragments. Même le titre ne vient pas de Mozart lui-même. Il manque l’ouverture, les dialogues et le finale – le dénouement tragique reste ouvert. Plus d’une fois, on a essayé de créer une œuvre complète à partir des différents fragments, en complétant les textes manquants et en ajoutant des explications. Chaya Czernowin élève l’œuvre de Mozart à un tout autre niveau : aux fragments existants, elle oppose un autre monde, complètement différent, et en même temps très semblable. Avec Adama (« terre », en hébreu), elle crée un univers de sonorité unique, pour contraster avec Zaïde et le transposer en même temps dans une perspective moderne. Dans l’œuvre de Mozart, les esclaves Zaïde et Gomatz croupissent dans les geôles du Sultan Soliman et sont punis à nouveau après leur tentative d’évasion. Adama oppose quant à elle un Israélien et un Palestinien, qui se heurtent à des barrières sociales, politiques et culturelles. Les deux œuvres sont jouées en même temps, avec deux ensembles, deux orchestres, et même deux chefs d’orchestre. Les histoires se font écho et les mélodies, anciennes et actuelles, se mélangent. C’est exceptionnel, et cela jette un regard neuf sur Mozart.
Photo © Maurice Korbel