Pourtant chacun tue ce qu’il aime s’inscrit dans la quadrilogie de Camille Mutel qui interroge La Place de l’autre et le geste comme ce qui nous relie à lui. Pour cette nouvelle pièce elle continue à suivre le fil des saisons et écrit un rituel d’automne aussi puissant que délicat qui rend hommage à l’animal et au vivant. Elle transforme les gestuelles paysannes, notamment celles de tuer pour se nourrir — « cueillir le vivant » — en actes chorégraphiques, les honore comme faisant partie d’un cycle qui va de la naissance à la mort en passant par le fait de prendre soin. Les deux danseurs Kerem Gelebek et Philippe Chosson, tantôt chasseurs, cueilleurs ou semeurs, tantôt bêtes elles-mêmes, tissent une relation ténue à l’animal, plurielle et respectueuse. Parfois bourreaux, parfois complices, sauvages ou apprivoisés, ils dessinent un espace au fil de leur passage, marqué par leurs empreintes et leurs traces. En écho au premier opus de la quadrilogie, Not I, inspirées par la culture japonaise chère à Camille Mutel ou les rencontres qu’elle a faites dans les villages, les scènes se composent comme autant de variations qui saluent la possibilité d’un renouvellement, la métamorphose ; l’animal et son potentiel de résurrection.
Après avoir suivi un apprentissage approfondi de la cérémonie de thé au Japon, Camille Mutel déplace son geste d’artiste chorégraphe vers celui d’une artiste du geste. Aujourd’hui son travail questionne le processus d’écriture d’un rite laïque. À savoir comment transformer un acte du quotidien en un geste artistique. Elle prend comme point d’ancrage le territoire des Vosges, dont elle est originaire. Le projet consiste à interroger, à travers la gestuelle spécifique du patrimoine rural, le lien qui unit l’homme, l’animal et la nourriture. La chasse, la pêche, l’élevage posent des questions éthiques à notre société contemporaine. Depuis plusieurs années il est interdit de tuer le cochon autrement qu’à l’abattoir. Les pratiques « chez l’habitant » dérangent. C’est un patrimoine millénaire qui semble condamné à disparaître peu à peu. Camille Mutel va partir à la rencontre d’habitant.e.s pratiquant encore ces gestes du patrimoine rural. Chasseur. se.s, agriculteur.trice.s, pêcheur.se.s amateur.e.s ou professionnel.le.s,. La chorégraphe va provoquer l’échange en se rendant à des manifestations, des marchés de producteurs, des fêtes de villages. Les premiers entretiens auront pour objet de cerner les enjeux actuels de la relation à l’animal, au geste et à la nourriture. Dans un deuxième temps, Camille Mutel sollicitera quelques-un.e.s d’entre eux. elles sur l’enseignement d’une de ces pratiques.