Ensemble, c’est tout
En s’attachant au rythme et au groupe, la grande chorégraphe Maguy Marin explore dans sa dernière création la notion de vivre ensemble. Salutaire.
Trois hommes et trois femmes dansent la main dans la main. Autour d’eux, six grandes planches forment décor, à la fois murs et pistes d’envol, sur lesquelles on peut danser… ou basculer dans le vide. Il n’y a pas d’alternative possible. BiT repose sur cette mécanique binaire, en se référant clairement à l’unité de mesure informatique. C’est tout ou rien, c’est 1 ou 0. C’est ensemble ou pas du tout. Dès le début du spectacle, dans le rythme (le beat) électronique de Chantal Aubry, on sent le drame en train de se nouer, inévitable si le groupe se dissout. Depuis les années 70, et surtout son mythique May B en 1981, Maguy Marin s’est affirmée comme la grande dame de la danse française. Elle développe un geste exigent, à la fois austère et d’une rare droiture, qui s’attache à questionner la présence des corps sur le plateau sans jamais se couper du monde. BiT en est un signe magnifique. Dans cette farandole, le rythme et le mouvement apparaissent comme les marqueurs du vivre ensemble. Comment conserver son propre rythme en se calant sur celui des autres et, surtout, comment trouver un rythme commun, et le conserver ? Loin d’être une pièce abstraite, BiT est une œuvre en colère, contre tout ce et ceux qui empêchent cet unisson. On ne saurait dire mieux que Marie-Christine Vernay qui, dans son article paru dans Libération en novembre dernier, la fait entrer en résonnance avec des questions toujours plus prégnantes : « Elle insiste, persiste, creuse un sillon lumineux qui mène toujours au même endroit : à la République, à la liberté d’expression et de circulation. »
Photo © Didier Grappe
Pour en savoir plus
