Le point sur l’édition 2015 et le parcours du festival avec la co-fondatrice et responsable artistique de Premières, Barbara Engelhardt.
Cela fait maintenant dix ans que le Festival Premières offre aux jeunes metteurs en scène européens un tremplin vers le monde du théâtre. La coopération entre d’une part les deux institutions strasbourgeoises que sont Le Maillon et le TNS et d’autre part le Badisches Staatstheater de Karlsruhe est un modèle du genre. Nous avons rencontré
Qu’est-ce qui fut à l’origine de la création du festival Premières en 2005 ?
Lorsque Bernard Fleury est devenu le nouveau directeur du Maillon, on s’est demandé ce que l’on pouvait faire avec ce que Strasbourg avait de spécifique en matière de théâtre. Bernard Fleury est quelqu’un qui pense par synergies, il se tourne tout de suite vers des partenaires potentiels, et il avait envie de développer des projets en commun avec le TNS. J’ai alors mis sur pied un concept qui tient à la fois compte du caractère international du Maillon et de la spécificité du TNS. À l’époque, le TNS était l’une des rares scènes en France à disposer d’une école de théâtre offrant une formation à la mise en scène. Cela fait maintenant dix ans que ce concept interactif est reconduit. La France est un pays très ouvert au monde du théâtre. On y voit beaucoup de spectacles et d’artistes internationaux. Or il y a très peu de festivals européens qui se concentrent sur la mise en scène et sur la nouvelle génération appelée à prendre le relais.
Strasbourg, ville européenne, a tout de suite montré de l’intérêt pour la création d’un horizon européen, sans parler de l‘intérêt du public toujours présent. Ce festival s’est fait un nom dans le paysage européen du théâtre. Dans cette mesure, il est aussi d’un grand intérêt pour les spectateurs professionnels venus de toute l‘Europe.
Comment procédez-vous pour choisir les futurs metteurs en scène ? Vous avez des critères précis ?
Il y a un critère très simple. Les artistes ou les compagnies ne doivent pas avoir plus de cinq travaux à leur actif élaborés dans un cadre professionnel à la fin de leurs études ou de leur formation. C’est le point de départ.
Le festival s’est-il transformé au fil des années, notamment en ce qui concerne les thèmes présentés ?
Ce n’est pas un festival à thèmes. Mais on retrouve évidemment toujours les questions qui ont des points de convergence par-delà les pays. C’est bien de voir qu’il existe un écho entre les différentes productions, perceptible aussi par le public. Il y a également certains ensembles thématiques qui ressortent, ceux qui sont marqués par l’actualité et la conscience politique. Les artistes doivent s’assurer d’une chose : quel est le domaine d’expérience qui me pousse à faire du théâtre ? Comment est-ce que je peux faire le lien entre ma conscience politique et les réflexions plus larges et plus générales qui dépassent mon propre horizon et acquièrent de ce fait une autre expressivité ?
Cette année aussi on voit émerger de nombreux sujets d’actualité comme, par exemple, celui de l’euthanasie.
C’est exact, il y a toujours des sujets d’actualité. On ne demande pas aux jeunes artistes de faire des analyses précises de la situation politique, mais ils devraient inciter les gens à affronter certaines questions. C’est ce qui donne toute sa pertinence au théâtre. C’est quand même l’une des formes artistiques qui, grâce à son jeu et sa diversité, est la plus à même de mettre le doigt sur la plaie, invitant ainsi le public à réfléchir à certaines choses.
Quelles différences régionales y a-t-il chez les jeunes metteurs en scène de l’actuel festival ?
Le festival Premières montre bien les différentes façons de faire du théâtre en Europe. Il révèle quelle part jouent les traditions, les formes de jeu, la compréhension que chaque metteur en scène a de son rôle, quand il s’agit d’aborder une œuvre. Cette diversité reflète les possibilités et les conditions de travail qui varient d’une région à l’autre. Chacun arrive avec sa propre histoire et une certaine formation, et il se confronte à des traditions et des structures spécifiques à un pays. Les metteurs en scène se réfèrent à différents courants théâtraux, parfois c’est la culture de la performance qui domine, parfois ce sont des façons de jouer qui relèvent de concepts plus classiques comme ceux de Stanislavski. C’est cet éventail très large et parfois étonnant de disparités, qui fait toute la valeur du théâtre européen. Il faut dire qu’entre-temps tout le monde sait ce que fait tout le monde grâce à la mise en réseau globale via Internet.
Propos recueillis par Sarah Obertreis.
Photo © Alexandre Schlub