Au Grand Théâtre, l’artiste d’art contemporain de renommée mondiale Adel Abdessemed se mesure à Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen pour sa première incursion dans une œuvre scénique. Un défi monumental.
C’est une mise en scène redoutable, par ses ambitions et ses proportions que s’apprête à mettre en scène Adel Abdessemed, artiste franco-algérien auréolé d’une renommée mondiale dans l’art contemporain, pour sa toute première création scénique. Son œuvre qui englobe sculptures, installations gigantesques, peintures, dessins et films est habitée par l’espoir et la damnation ; son rendez-vous avec la figure mythique de saint François d’Assise, fondateur de l’ordre franciscain, considéré comme le précurseur du dialogue interreligieux et canonisé par le pape Grégoire IX deux ans après sa mort, s’inscrit comme l’un des rendez-vous les plus attendus de cette saison 23/24 du GTG. Avant Adel Abdessemed, rappelons les rares réalisations de cette œuvre par des artistes hors normes : l’Américain Daniel Liebeskind (Deutsche Oper de Berlin 2002), le Russe Ilya Kabakov (RuhrTriennale 2003) ou encore l’Autrichien Hermann Nitsch (Bayerische Staatsoper Munich 2011).
Le compositeur, Olivier Messiaen, considérait cette pièce – pour laquelle il livra son unique livret d’opéra – comme la somme de son œuvre. Huit années d’un travail hors-normes, qui reçu un succès retentissant lors de sa création, en 1983, sur la scène du Palais Garnier, sous la direction du chef Seiji Ozawa. Construite en trois actes, en référence à la trinité du monde chrétien, articulée autour de huit tableaux, nombre symbolisant le renouveau spirituel et le commencement d’un temps nouveau. Dans cet opéra, toutes les particularités qui sont la signature de ce croyant, compositeur et catholique trouvent une résonance et une profondeur inégalée : le principe des leitmotifs, la création de tonalités et de modes, que Messiaen voyait de manière synesthétique, la complexité rythmique, dérobée à l’écoute des oiseaux et le geste d’un romantique tardif français, tout cela trouve sa place et son refuge dans la gloire du divin et non comme geste d’un art musical sophistiqué.
Jonathan Nott y dirigera son Orchestre de la Suisse Romande, le Chœur du Grand Théâtre et l’ensemble des solistes, pour cette première romande. A la tête du fameux Ensemble intercontemporain de 1995 à 2000, son rapport étroit à l’univers de la musique française du XXe siècle fait de lui le chef idéal pour diriger cette création magique de Messiaen. Dans le rôle principal, on saluera la performance du baryton anglais Robin Adams, qui incarnera pour la première fois le rôle. Remarqué dans le répertoire contemporain, il fut nommé par Opernwelt et par Opus Klassik meilleur chanteur 2021 pour son interprétation de Der Prinz von Homburg au Staatsoper Stuttgart. A ses côtés, se tiendront la soprano canadienne Claire de Sévigné (L’Ange), le ténor tchèque Aleš Briscein (Le Lépreux), le baryton turc Kartal Karagedik (Frère Léon), le ténor américain Jason Bridges (Frère Massé) ainsi que le corps du Jeune Ensemble du Grand Théâtre.
François d’Assise est une figure aimée du monde entier. Croyants ou non-croyants ne l’admirent pas moins que les catholiques. Son esprit ensoleillé et plein d’espoir, son doux amour pour toutes les créatures, sa préoccupation du prochain, son esprit fidèle à l’Évangile, l’audace de sa démarche, la résistance persistante dont il fit preuve contre toute norme étouffante appartiennent aujourd’hui au mythe de saint François.
