Après avoir dansé avec son père puis avec son compagnon, et donné naissance à un petit garçon, Kaori Ito se retrouve face à elle-même, confrontée à sa vie d’artiste en perpétuel mouvement et à la sensation très contemporaine que le temps s’accélère. Très souvent en tournée dans le monde entier, son mode de vie presque robotique la rend étrangère à l’enracinement et lui donne l’impression de n’avoir ni temps de repos ni temps de vide. Malgré cette vie qui semble sans routine, il y a pourtant toujours un temps pour le doute et la banalité. Il y a des rencontres, très intenses, mais aussi très brèves et la peur de la solitude. Le carnet de bord qui consigne les activités de sa vie par tranche d’1 heure à 5 minutes et a servi à composer la partition de textes dits, expose tout cela. Se mettre alors dans la peau d’un robot qui a tout à apprendre des comportements humains pour s’animer lui permet de prendre du recul sur l’humanité, de vivre le moment présent, d’être vivante sur scène. Elle se retrouve enfin seule pour accepter la mort, si proche de la naissance, et apprendre à aimer ce qui fait l’essence des êtres humains, leur fragilité. Tantôt prothèses qui démultiplient ce corps, tantôt dépouilles qui le dispersent, les moulages des parties de son corps qui accompagnent le jeu, figurent toutes les mues d’une vie.
Danseuse et créatrice depuis 20 ans, Kaori Ito cherche à faire émerger un mouvement vital qui relie les corps et fait exister le vide, l’invisible et le sacré. Née au Japon dans une famille d’artistes, elle se forme très jeune à la danse classique puis à la modern dance à New York. Interprète pendant plus de 10 ans pour de grandes compagnies européennes, elle ressent le besoin de créer sa propre compagnie afin de développer sa démarche artistique et son écriture chorégraphique. Elle fonde la compagnie Himé en 2015. Après une trilogie autobiographique, elle opère un retour à sa culture japonaise dont elle s’inspire notamment pour créer, en 2020, la première pièce où elle n’est pas au plateau. Convaincue de la nécessité de faire entendre la parole des enfants et de donner une place à leur créativité, elle commence en 2021 à créer avec et pour le jeune public. À la croisée des cultures et des langues, des courants, pratiques et disciplines, Kaori Ito développe un vocabulaire artistique hybride et une démarche de création sur la voie de rituels contemporains. Animée du désir de porter un projet qui rêve l’avenir avec la jeunesse et lui donne corps par l’art, Kaori Ito se consacre à ce vœu en 2023 en prenant la direction du TJP, Centre Dramatique National de Strasbourg. Elle souhaite en faire un lieu de théâtre transdisciplinaire, interculturel et intergénérationnel qui défend la transversalité de l’art, l’importance des questionnements des enfants et leur implication dans les processus de création.