La singularité du programme est de faire exister en un même moment musical deux grands maîtres, deux styles, deux époques, deux continents, deux inspirations : l’une pastorale, l’autre urbaine. Le dialogue est étonnant, la rencontre est lumineuse, les deux écritures s’étreignent, s’imbriquent, se fondent, finissent par former un seul corps. Un corps qui ne demande qu’une chose, vibrer, se mettre en mouvement et embrasser l’espace. Le corps d’un musicien lorsqu’il n’est pas en fosse, lorsqu’il n’est pas dirigé par un chef, se montre d’une remarquable vivacité; il est aux aguets, il est animal. On découvre l’acuité des regards, la précision du geste, de chaque signe. Corps, visages, instruments, archets, dessinent les prémisses d’un ballet.
Les Quatre Saisons de d’Antonio Vivaldi, composées vers 1720, sont quatre concertos pour violon représentant le Printemps, l’Été, l’Automne et l’Hiver. Chacune traduit par la musique les sons et sensations de la nature : chants d’oiseaux, orages, vents glacés, fêtes paysannes. L’œuvre est révolutionnaire pour son caractère descriptif et narratif, accompagné de poèmes qui en précisent le programme. Vivaldi y explore avec audace la virtuosité du violon soliste et les contrastes dynamiques de l’orchestre. Elle est devenue emblématique du baroque pour sa puissance évocatrice et son équilibre entre invention poétique et rigueur formelle.
Les Quatre Saisons de Buenos Aires d’Astor Piazzolla constituent une œuvre emblématique du XXᵉ siècle, à mi-chemin entre le tango et la musique savante.
Composées entre 1965 et 1970, soit près de 240 ans après les Quatre Saisons de Vivaldi, ces quatre pièces — Verano Porteño, Otoño Porteño, Primavera Porteña et Invierno Porteño — ont été conçues chacune comme des tangos autonomes, et non comme une suite unifiée, contrairement à l’œuvre de Vivaldi. Elles sont cependant souvent jouées ensemble, formant un cycle évocateur de la vie à Buenos Aires.
L’effectif original était celui d’un quintette de tango : violon, piano, guitare électrique, contrebasse et bandonéon. Plus tard, le compositeur Leonid Desyatnikov réalisa une version orchestrale pour violon solo et orchestre à cordes, enrichie d’arrangements et de citations de Vivaldi — c’est cette version qui est présentée ici par Le Concert Idéal.
