Variation des Trois Sœurs d’Anton Tchekhov, la pièce de Rebekka Kricheldorf installe ses personnages dans la société allemande contemporaine. Les thèmes chers au dramaturge russe – la désillusion, les rêves inassouvis, l’ennui – sont redistribués pour dresser un portrait caustique de notre époque, dans une mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo aux airs d’exposition muséale.
Olga, Macha et Irina sont bien là. Mais l’autrice allemande cisèle les personnages de Tchekhov, leur donne du corps, développe leur complexité. Dans son texte écrit en 2015, elle se sert de la trame originale mais place la plus jeune sœur, Irina, au centre de l’histoire. Ses anniversaires rythment la pièce. Le temps s’écoule, mais Irina n’avance pas, elle cherche inlassablement un sens à son existence. La villa dont elle a hérité avec ses sœurs est en ruines, symbole de la société décadente dans laquelle elles ont été élevées. Entre aveux de faiblesse, amours malades et rancœurs, on découvre une génération qui navigue à vue face à la vacuité du monde. Sur le plateau, les murs blanc immaculé où sont accrochés d’immenses tableaux nous projettent dans un musée. Marcial Di Fonzo Bo joue des contrastes entre cet intérieur glacé et le bouillonnement des êtres humains qui l’habitent, entre la splendeur d’antan et le précipice devant lequel vacillent ces jeunes gens. Des personnages à fleur de peau, incarnés par six comédien·nes incandescent·es.