Être ou ne pas être Charlie
Avec Des fleurs pour Algernon, l’adaptation d’une nouvelle de Daniel Keyes publiée en 1959, Anne Kessler laisse toute la place au jeu de l’acteur Grégory Gadebois.
La transposition au théâtre d’une nouvelle, d’un roman, est toujours source de curiosité : comment l’équipe va-t-elle se saisir d’un texte non pensé pour le plateau ? Quels choix vont permettre de tirer d’un récit une dramaturgie ? Avec Des fleurs pour Algernon, la nouvelle de Daniel Keyes publiée en 1959, l’adaptateur Gérald Sibleyras et la metteuse en scène Anne Kessler optent pour un monologue qui laisse une grande place au jeu d’acteur. Une décision pas si surprenante quand on sait qu’elle est elle-même sociétaire de la Comédie-Française. C’est donc seul en scène et dans un dispositif scénographique plutôt anecdotique que Grégory Gadebois porte l’histoire de Charlie Gordon. Ce simple d’esprit voit son destin lié à celui d’Algernon, souris de laboratoire, tous deux devenant les cobayes d’une même expérience censée décupler l’intelligence. De simplet, Charlie Gordon accède à la pleine possession de ses facultés de réflexion. Sauf qu’aux progrès stupéfiants succède la dégénérescence, le déclin de la souris devançant et annonçant celui de Charlie. Un arc d’évolution interprété avec finesse et subtilité par Grégory Gadebois, qui passe insensiblement de l’idiotie – celle-ci se disant aussi dans son corps gauche toujours désolé d’être là où il se trouve – à la maîtrise de soi, jusqu’à la régression finale, d’autant plus cruelle qu’elle s’effectue en conscience. Et au-delà de la virtuosité et de la justesse de jeu stupéfiantes de Gadebois (qui a reçu un Molière pour ce rôle), l’histoire de Charlie renvoie chacun au regard qu’il porte sur les autres et sur la différence. (C.C.)
Photo : Anne Kessler et Grégory Gadebois © Pascal Ito
Pour en savoir plus
- La critique de la pièce sur le blog du Figaro…
- … et sur le site de Libération
- Portrait de Grégory Gadebois dans Le Nouvel Obs