Burlesque désespoir
Jean-Pierre Vincent met en scène En attendant Godot et nous donne à voir et à entendre toutes les strates et subtilités du texte de Beckett.
En préambule, rappelons d’abord que Jean-Pierre Vincent occupe une place toute particulière à Strasbourg. Directeur du TNS de 1975 à 1983, il en a fait un lieu de création et d’expérimentation majeur. Il y revient depuis régulièrement avec ses spectacles et a notamment accompagné le groupe 39 de l’école (où il était lui-même élève) pour sons spectacle de sortie. Le public strasbourgeois est dès lors familier de ses mises en scène minutieuses, à l’écoute du texte et souvent portées par une ironie critique.
Là encore, il fait entendre toutes les subtilités de la pièce Beckett. Écrit entre 1948 et 1949, au sortir de la guerre qui contraignit Beckett à l’exil, le texte ne se réfère cependant à aucun contexte ou période pour s’attacher à une humanité dépouillée et fondamentale. « Nous existons, et nous sommes increvables, explique Vincent. Nous irons jusqu’au bout. » Et de préciser « On est là et on ne peut pas en finir, donc on attend. Et puisqu’on est là et qu’on attend, il faut bien nommer cette attente. Ils l’ont appelé Godot. » Et face à un monde qu’on devine sur sa fin, la situation est parfois extrêmement comique et burlesque.
Cette pièce, Beckett l’a écrite en français. Il s’est donc détaché du superflu pour s’attacher au rythme de la langue. Avec ses 5 acteurs, Jean-Pierre Vincent insère dans ce classique contemporaine quelques références claires à Buster Keaton, Laurel & Hardy et Charlie Chaplin, qui rendent au texte une dimension souvent oubliée au profit des questions de l’attente et la solitude. Comme quoi on n’a décidément jamais fini de relire ses classiques… (S.D.)
Pour en savoir plus
- Une critique du spectacle dans Libération
- Jean-Pierre Vincent à propos de En attendant Godot sur CultureBox